Cet article a été publié dans l’édition 2025 de l’Essentiel, magazine de la CSRP.
À la tête de Pharmar Réunion, Copharmay Mayotte, Cerpol en Polynésie française et originaire de La Réunion, Vincent Théodoly-Lannes incarne depuis plus de vingt ans une répartition pharmaceutique au service des territoires ultramarins, marquée par la complexité logistique, la vulnérabilité climatique et une situation économique particulièrement tendue.
Docteur en pharmacie, diplômé d’un master en produits de santé, développement et distribution, il rejoint Pharmar en 2005, après avoir participé à la construction d’un établissement sur son île natale. Il gravit les échelons : directeur d’agence, directeur général adjoint, puis directeur général et enfin président-directeur général en 2017. Aujourd’hui, il dirige plus de 200 salariés répartis entre Mayotte et La Réunion. Fait chevalier de l’ordre national du Mérite en 2020, il reçoit le prix national de l’Ordre des pharmaciens en 2021.
À Mayotte, l’année 2024 a été marquée par une crise exceptionnelle, mêlant catastrophe naturelle, crise sanitaire et urgence sociale. Lors du passage du cyclone Chido, 90 % du territoire se retrouve sans électricité. Télécommunications coupées, routes impraticables, rupture d’approvisionnement, médicaments thermosensibles perdus, épidémie de choléra en parallèle… le système de santé local est à genoux. Pharmar et Copharmay, en lien constant avec l’ARS et la préfecture, mettent alors en oeuvre une réponse d’envergure. Une cellule de crise est activée, des renforts humains sont mobilisés, et les premiers convois de secours sont organisés. Dès les premiers jours, un conteneur est affrété depuis La Réunion, chargé de groupes électrogènes, d’eau potable et de matériel médical de première nécessité. Ce geste, symbolique et vital, illustre l’importance d’une coordination logistique rapide et adaptée dans les territoires ultramarins.
Vincent Théodoly-Lannes raconte les longues journées sans nouvelles de ses salariés, les infrastructures dévastées, mais surtout les retrouvailles : « J’ai cette image en tête : ce sourire, ce “on l’a retrouvé”. Ce jour-là, on a vu tout le sens de ce que nous faisons. ».
Pour lui, le cyclone Chido a marqué un véritable tournant. « Il y a clairement un avant et un après Chido », affirme-t-il. Cette crise met en lumière la nécessité d’une adaptation structurelle : renforcer la sécurisation des établissements, former les équipes à la gestion de crise et intégrer ces compétences dans les cursus professionnels. Il plaide pour que les territoires ultramarins ne soient plus relégués au second plan des politiques de santé publique, en particulier sur un enjeu central : la logistique post-crise. En effet, toute la population ne peut pas se rendre à l’hôpital. Si la distribution vers les officines s’effondre, ce sont les hôpitaux qui débordent. Dans ce contexte, la répartition pharmaceutique constitue un régulateur vital qu’il est impératif de préserver et de soutenir.
Aujourd’hui, Copharmay à Mayotte est redevenu opérationnel, mais reste en vigilance constante car les difficultés persistent après plusieurs mois. Sur ces îles, les crises ne se succèdent pas, elles s’additionnent. Après Chido, ce fut le cyclone Garance à La Réunion, puis une épidémie de chikungunya. Pharmar à La Réunion, avec le concours de la CERP Bretagne Atlantique se dote d’un nouvel établissement. Bâti pour faire face, il permettra une réponse efficiente aux crises régionales, respectant les bonnes pratiques de distribution en gros.
Ce sens de l’engagement, Vincent Théodoly-Lannes le partage avec ses équipes et particulièrement avec Frédéric Turlan, pharmacien responsable en poste à Mayotte depuis plus de vingt ans, qu’il salue pour son sang-froid et son implication. Unis, solidaires, les répartiteurs de l’outre-mer portent haut les valeurs du métier.